du 3 au 6 fevrier 2021
En partant de Livingston vers le Nord, le vent hésite après un passage de nordet, il tournoie mollement autour d’une petite zone de hautes pression centrée sur le Golfe du Honduras..
La logique maritime est de passer à l’intérieur de la grande barrière de corail qui borde le Bélize, pour éviter la houle, même si l’entrée est interdite aux bateaux .
Le droit international autorise en principe la navigation dans les eaux de tout pays, y compris la pose d’une ancre pour une courte durée, mais interdit de descendre à terre ou même de prendre une bouée.
L’option retenue est donc de pénétrer entre les îlots protégés de la houle par la barrière de corail, en arborant dans les haubans le drapeau du Bélize et le pavillon jaune Q pour quarantaine, AIS et VHF allumés, voiles hautes. Le dinghy est ficelé sur le portique, pour signifier clairement que l’équipage est à bord.
C’est sous ce mode « furtif », mais tête haute et prêt à se justifier, que le capitaine engage résolument son bateau entre les îlots de mangrove au sud du Bélize.
Personne, même pas un oiseau. Des méduses grosses comme des ballons de handball naviguent avec indifférence par bancs de quelques individus au ras de la surface. De forme quasi sphérique elles portent un anneau rouge délavé et une frange noirâtre juste au-dessus du pôle d’ou émergent leurs courtes tentacules.
Certaines îles portent des habitations qui semblent inoccupées. Claude à la barre sous voile guide en douceur le bateau jusqu’à New Heaven, une baie cernée d’une mangrove étonnamment silencieuse ou l’ancre est descendue par 3 m d’un fond de vase, pour une nuit tranquille au mouillage.


Le lendemain, départ à l’aube . L’incursion se prolonge en privilégiant le canal Victoria plutôt que le canal intérieur, à distance de Plancentia, pour apercevoir les nombreux îlots coralliens réputés pour offrir des plongées de rêve.

Eau bleue, sable blanc, cocotiers et palétuviers, une léger voile dans les lointains laisse apparaître les montagnes couvertes de jungle, de petits nuages blancs lumineux juste au-dessus, au premier plan en bas à droite, un ou deux gros dauphins arcquent paresseusement le dos, un pélican se hasarde à traverser ce décor de carte postale. .. mais tout est désert . Pas de croisièristes, pas un seul de ces horripilants jet ski, pas de parasols, pas de zodiacs, ni de plongeurs, pas un cri d’oiseau, et bien sur pas de voiliers. Les toits de palmes des « resorts » sur pilotis se déplument sous le soleil éclatant, les volets sont fermés

En fin de journée, la Laureline quitte le canal Victoria à hauteur de Blue Ground Range, releve sa dérive et traverse un « champ de patates », hauts fonds rocheux hérissés de têtes de corail, avec un appui sonar et une vigie juchée sur la planche à poule au dessus du poste de l’ancre, pour rejoindre South Water Cay.
Cet îlot de la barrière de corail héberge un haut lieu de plongée, un hôtel, et une base de recherche sur la vie corallienne, au bord d’une passe vers la haute mer. Pas de clients dans l’hôtel et les volets de la base de recherche sont fermés.

Deux gardes sont là qui écoutent leur sono en buvant des canettes sur des chaises longues, mais ne s’émeuvent pas de la présence d’un monocoque de 44 pieds dans moins de 2m d’eau. L’ancre est descendue dans un lit de sable et d’algues courtes.
Au coucher du soleil, une barque arrive du Nord sous voile, avec un équipage rieur qui jette l’ancre par-dessus bord avec désinvolture, avant d’installer une tente sous la bome où ils s’abritent pour la nuit, sans un regard ni un geste vers nous.

Finalement nous ne sommes donc pas seuls au monde, ça vaut bien un timide bain de mer, le premier depuis le début du voyage . Les vagues déferlent tout près, de chaque côté de la passe.
Le lendemain, tout le monde est sur le pont à 4 heures du matin. La lune est là, gibbeuse mais suffisamment puissante pour éclairer la passe. Cinq lampes frontales rouges s’animent sur le pont, chacun à sa mission en silence.
La grand voile est hissée avant même de lever l’ancre, et le bateau est engagé dans la passe où il retrouve la houle de la limite du plateau continental. Les alizés se sont rétablis, en quelques dizaines de mètres les fonds dépassent les 100 m. La route au Nord Nord-est, tribord amure, passe entre la côte et l’atoll corallien de Turneffe island, ou la houle est aplanie, le bateau glisse allègrement par vent de travers. Les quarts s’organisent pour cette longue journée à la voile.
L’objectif de cette dernière journée au Belize est de jeter l’ancre devant l’île Ambergris, en entrant par la petite passe de San Pedro.
San Pedro est une petite ville accessible aux bateaux de faible tirant d’eau, le premier poste frontières pour ceux qui viennent des USA. L’ile est couverte de bâtiments avec vue sur la mer.
À peine visible depuis le large, la passe de San Pedro n’est marquée que par une interruption de la ligne des bâtiments et une bouée jaune visible depuis le large. Il faut approcher de la bouée vent arrière, puis obliquer vers un amère à terre, toujours sous grand voile, le génois a été roulé pour simplifier l’équation, et le moteur a été allumé au cas où, pour arriver devant le village. C’est là qu’il est grand temps de faire tomber la grand grand-voile avant d’atterrir dans le poste de la police maritime.
Marc a bien organisé la manœuvre : une fois passée la barrière de corail, Manu à la barre fait loffer le bateau (lui fait remonter vers le vent) rapidement en faisant un tour sur lui même, bôme libre, et dès que la voile fasseye, la drisse est lâchée d’un bloc, elle est bien dégagée sur toute sa longueur, et les coulisseaux de grand-voile ont été bien huilés. La voile s’effondre en accordéon dans son lazzy jack, en une seconde, et Marc re-étarque l’écoute de grand voile pour empêcher la bôme de balayer le pont tandis que le bateau termine gracieusement sa toupie de 270° , juste devant le poste de police.

Sans demander son reste, la Laureline repart cap au sud sur un ou deux milles pour aller chercher un coin tranquille ou mouiller l’ancre dans du sable dans 2 m d’eau, face au vent et à la ligne de brisants, bien visible depuis le plan d’eau.
Quelques catamarans semblent assoupis devant la ville. La navette pour Belize City passe et revient 2 heures plus tard. Mais cette activité modeste n’a sans doute pas grand grand-chose à voir avec l’activité de ville balnéaire décrite dans les guides.
Départ le lendemain à 7 heures, une fois que le soleil est assez haut pour distinguer les brisants et la bouée jaune.

En sortant du zigzag au milieu des brisants, La Laureline bondit dans la houle qui se précipite dans la passe puis très vite les fonds se perdent dans les abysses. Le bateau retrouve les alizés maintenant solidement établis, le barreur reprend le vent tandis que le génois est déployé. Cap au Nord Nord-est
Belize, c’est fini, je ne crois pas que j’y retournerai un jour…
bonjour !
Après la lecture, j’ai vraiment l’impression d’être avec vous assise dans mon salon…merci Hélène pour ce voyage…très amicalement de nous deux
J’aimeJ’aime