20 janvier, Salinas
La dernière traversée au large des côtes nord du Pérou s’est déroulée sans encombre, à la voile, la dernière journée sous spi jusqu’à l’approche de la Punta Brava, devant Salinas et La Libertad en Equateur.
Là, le vent tournant au sud ouest et se renforçant, accompagné d’un fort courant portant vers la pointe, il a fallu rouler le spi, ce qui a valu à Serge, une brûlure de plusieurs doigts de la main gauche par le frottement du bras de spi.
Un joli mahi mahi en a profité pour mordre le poulpe en plastique bleu qui trainait derrière le bateau depuis le matin.

Des pélicans chassent dans la baie, les
barques rapides qui sillonnaient la mer au sud de la Punta Brava en sautant dans les vagues étaient reprises en remorque derrière des bateaux de pêche pour rentrer au bercail.
Le mahi mahi découpé en filet et cuit dans du beurre parfumé aux baies roses est un festin de roi. Une autre moitié cuite au citron, coriandre et huile d’olive sera servie ce midi.
Pour l’heure, le bateau est à l’ancre, à la recherche d’une place dans une marina.
Après avoir rangé le spi, soigné Serge et vidé le poisson, pendant que Gwen gérait la barre pour une arrivée au moteur, il a été possible de jeter l’ancre juste après le coucher du soleil, par 4 m sur fond de sable, devant Salinas, une ville balnéaire bâtie d’immeubles élevés.
Position : 2°11′ S, 80°58′ W
Course : 268 °
Speed : 0,0 kt. vent SSW 2 kt, à l’ancre devant Salinas (Ecuador)

Balade en Equateur

Sur les routes pour quelques jours avec un guide, Carlos, employé jusqu’à décembre dernier par le ministère du tourisme mais qui n’est pas sur de toucher de salaire à l’avenir. Il a loué une petite Chevrolet au tarif des locaux (90 $ jour au lieu de 150), et s’est proposé de nous faire découvrir son pays.
Première étape Guayaquil. Toute sa région produit des fruits et en particulier des bananes qui sont acheminées vers la mer par les cours d’eau qui confluent en un large estuaire encombré de bancs de sable qui parfois deviennent des îles au milieu du fleuve
La route se poursuit jusqu’à Cuenca, une ancienne ville espagnole dont l’architecture a été bien préservée tout comme son opulence. Sa richesse tient en partie à son artisanat : c’est là que sont fabriqués les fameux panamas







La grande place est dominée dans le fond par les 3 coupoles bleues de la nouvelle cathédrale construite au XX ème siècle en briques et en marbres de la région












Un parc pour animaux attaques par des braconniers dans les forêts de l’Equateur













La route a été très longue jusque Baños : route de montagne, passage de cols dans les nuages. Les violents orages du samedi on détrempé les paroies des montagnes et des éboulis rocheux envahissent la chaussée alors que la petite voiture cherche son chemin dans le brouillard
Le lendemain matin, Carlos découvre dans les informations du jour que la route employée la veille s’est trouvée bloquée par un glissement de terrain























Le paillon del diablo
Cascade monumentale à 36 Km de Baños, le paillon del Diablo mérite le détour. La cascade est accessible à pied en descendant dans la gorge du torrent avant de regrimper la paroi rocheuse par des escaliers bien aménagés. Le dernier raidillon passe dans une faille et une grotte naturelles et doit être emprunté à 4 pattes






Quito et le milieu du monde
La petite voiture chargée a dû reprendre une route de montagne pour s’extraire de Baños avant de s’engager sur la Panaméricaine qui court de la Patagonie à l’Alaska . La route passe en Équateur entre deux chaînes de volcans et de montagnes, dans une longue vallée, en altitude.
Située à 2800 m d’altitude, Quito est rafraîchie par l’air qui circule sur les volcans enneigés des alentours et par les pluies. Une petite laine et un kway sont bienvenus








Au XVIIIème siècle, une équipe de scientifiques français, géographes, mathématiciens et naturalistes, accompagnés de 2 officiers espagnols, entreprennent des mesures astronomiques et géodésiques par triangulation afin de déterminer le degré d’arc de méridien proche de l’équateur entre Païta et Quito. Les français avaient déjà une expérience dans ce domaine acquise lors de mesures analogues réalisée le long du méridien de Paris entre Dunkerque et Barcelone. En Equateur le travail s’est avéré singulièrement compliqué par les activités sismiques incessantes dans la région

Un monument dédié à ces travaux a été érigé à une trentaine de km de Quito à l’endroit exact ou passe l’équateur dans une petite ville baptisée » le Mita del Mondo « .



Un pavillon du village du Mita del Mundo est dédié au célèbre peintre équatorien Oswaldo Guayasamin


https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Oswaldo_Guayasam%C3%ADn
De sang mêlé métisse et indien, une grande partie de son oeuvre est dédiée aux peuples de son pays qui ont souffert des conditions de travail qui leur ont été imposées.
Il est clair que le malaise n’a pas disparu. Une rancoeur sourde est perceptible dans les rues ou la plupart des visages sont restés très typés amérindiens alors que les informations télévisées ne présentent que des blancs au teint clair.
Pour trouver du travail il faut montrer patte blanche, adhérer à un parti politique et se montrer prêt à militer pour lui. Ou se contenter de petits boulots précaires.
Pourtant, depuis la révolution menée par Alfaro au début du XXème siècle, l’état investi sur la scolarisation gratuite pour tous les enfants jusqu’à 18 ans. Payante ensuite, chère . La situation politique serait instable d’après ce qui se dit ici.
Des camions à l’assaut de la Cordillère des Andes
Retour vers la côte : Quito régule la circulation des voitures particulières par des interdictions de circuler en fonction du dernier chiffre d’immatriculation et du jour de la semaine : le numéro du « pot de yaourt » lui interdit de circuler le jeudi à Quito à partir de 6 heures du matin. Il a donc fallu partir à 5 heures pour avoir quitté Quito dans les temps.
Le retour vers la côte implique de retraverser la Cordillière des Andes à rebours des camions chargés de marchandises arrivées par la mer, et d’apprécier la fantaisie de leurs éclairages. Rouge vert bleu sur ligand la carrosserie ou clignotant derrière où devant en cas de freinage ou de danger… Ils sont pilotés par des as-du- volant ou des trompes-la-mort





Les camions ont remplacé le train qui avait été construit à partir de 1875 à partir de Guayaquil jusqu’aux Andes, puis avait repris début 20 ème sous l’impulsion de Alfaro après la révolution qui avait mis au pouvoir le « libéralisme radical »


jusque là, les marchandises était amenées à dos d’esclaves indiens. Le « train le plus difficile du monde » escaladait la Cordillière en zig zag en marche avant puis arrière, avant de progresser jusqu’à Quito. Des milliers d’ouvriers sont morts pendant la construction de cet ouvrage, de fièvre jaune ou de paludisme.

Le train a vite été abandonné car il était trop souvent arrêté par les éboulis rocheux et glissement de terrains. Il a abandonné le transport de marchandises aux Kenworth et autres camions. Mais depuis 1980, la réhabilitation du train a été entreprise pour sa valeur patrimoniale et il existe désormais une croisière à bord du nouveau train en 5 jours, pour les touristes.
Le pays du cacao et des tremblements de terre
Les terres se plissent en un relief tourmenté où tombent les pluies et les rayons intenses du soleil équatorial : c’est le Manibi, une région située entre Manta à la côte et la Cordillière, où toutes sortes de fruits sont cultivés, dont un cacao au parfum très apprécié


Ces terres agricoles aux pentes raides sont bien entendu entretenues uniquement à la main, et à cheval. De petits chevaux nerveux aux robes foncées et des mules plus placide sont employés là.
Les maisons traditionnelles des amerondiens de la région sont construites sur pilotis. Solide et léger, le bambou est largement employé





Un peu plus loin, la ville de Manta est aussi dans la région de Manibi mais au bord de la mer , habitée par des pêcheurs. En 2016, l’épicentre d’un tremblement de terre de magnitude 8 s’est trouvé au milieu de la ville dont plusieurs quartiers se sont effondrés sur leurs habitants, et 400 morts ont été dénombrés parmi les décombres. L’habitude de construire un seul étage en matériaux léger avait été oubliée; les parpaings empilés et les dalles de béton armé n’ont pas résisté. De grands immeubles modernes construits au bord du Pacifique selon les normes anti sismiques ont tenu le coup, mais leurs appartements ne sont pas à portée des bourses des pêcheurs.
En descendant vers Salinas, le long de la côte, on retrouve des villages de pêcheurs avec des maisons basses. Les vagues roulent sur ces rivages ou la mise à l’eau des pandas en fibre de verre n’est pas triviale.




















De longues plages sont désormais monopolisées par des maisons et jardins qui privatisent toute la bande de terre entre la route et la mer. Un village comme Montanita est entièrement bâti de maisons en bambous vernis, créant un univers artificiel et standardisé pour surfeurs. Les magasins de fringues et les restaurants branchés voisinent avec des boîtes et poussent à fond leurs sonos, le cafarnaum est encore aggravé par des chanteurs de rue. Tous s’accordent pour pomper un maximum de dollars à des clients alcoolisés jusqu’à tard dans la nuit et considérés comme étant à éviter.
Les autochtones connaissent par ailleurs les spots ou ils peuvent surfer en paix entre les courants qui leur évitent d’avoir à se frotter avec ce paradis artificiel .
L’industrie du surf pour touristes voisinent avec une activité d’élevage de crevettes de l’Equateur. De grandes surfaces de sable tassé caractéristiques de le cordillère de la Costa sont creusées de vastes bassins assez plats remplis par forage d’eau de mer. Des usines y déversent les larves de crevettes obtenues dans leurs murs.
La région vit aussi de l’exploitation de gaz livré en mer par un pipeline qui avance comme une jetée vers le Pacifique et accueille les méthaniers.
La Libertad et Salinas
L’arrivée du bateau et toutes les formalités d’entrée dans le pays ont été organisées à Salinas par une agence locale, l’agence Noe, moyennant quelques 600 dollars, aux quels il a fallu ajouter 120 dollars pour une opération imposée de dératisation du bateau : gazage du bateau et distribution de bâtonnets de mort aux rats dans toutes les équipées, y compris le tiroir aux petits gâteaux.
Le directeur de la marina de Salinas nous dit qu’il s’agit d’une arnaque, que les formalités sont gratuites en principe. ..

Bien abritée du vent dominant et des vagues du Pacifique par la pointe de Santa Elena, Salinas est une ville balnéaire ou les étrangers sont orientés pour les formalités d’entrée comme pour se reposer au mouillage devant la plage principale de San Lorenzo.
Les fonds devant Salinas sont de sables, à 5 ou 7 mètres, sur toute la baie, ce qui a pour premier effet une quasi absence de vagues à l’exception du bord de plage à marée haute, ou une vague très courte tombe sur les baigneurs pour leur plus grand plaisir.
Dans le ciel et l’eau, quantité d’oiseaux de mer pêchent tout près des bateaux au mouillage










Tout le rivage est occupé par une rangée de grands immeubles modernes, probablement construits selon des normes anti sismiques, et donc hors de prix. La nuit, seuls 5 à 10% des appartements sont illuminés.
Les rues situées derrière cette façade abritent les habitants locaux, des magasins assez mal achalandés, des peintures murales laissées par des peintres visiteurs

Une superbe marina entourée d’enrochements tout neufs est complètement saturée par des bateaux locaux luxueux qui ne sortent que à la journée. Les voiliers sont de fins régatiers, habitué à leur plan d’eau ou la mer est cassé et le vent à peu près constant du sud


Virement de bord sous spi. Wasabi s’est fait doubler à ce moment

Mais des corps morts sont mis à disposition des.visiteurs dehors et il est possible de jeter l’ancre : le mouillage est alors gratuit mais il reste possible de demander une surveillance du bateau en cas d’absence. Un personnel nombreux est là 7 jours sur 7 près à rendre service si le Capitaine du port les y autorisent et moyennant quelques dizaines ou centaines de dollars.

Il est possible de rentrer pour faire le plein de fuel et d’eau non potable à marée haute. L’eau potable n’existe en Équateur comme au Chili et au Pérou que en bouteilles. Elle provient souvent d’osmose inverse à partir d’eau de mer.


Les enrochements de la marina servent de roquerie pour les pélicans et attirent quantité de petits poissons, aubaines pour les échassiers et les tortues qui apprécient la quiétude des lieux. Au dessus, le ciel est fortement colonisé par des frégates qui cherchent à dérober les proies des mouettes, mais ne se risquent pas dans les pattes des pélicans, même les plus jeunes.



Une deuxième marina est ouverte à la limite entre Salinas et Libertad. Entièrement privée elle aussi , elle peut cependant accueillir des visiteurs moyennant 800 dollars par mois. Des vagues y entrent et secouent les amarres, qui doivent régulièrement être resserrées mais les responsables de la marina exercent une surveillance et les entrées dans la marina sont très contrôlées.
La plage, familiale, a pris l’option jet-ski pour les plus grands, et il semble qu’il n’y ait rien de mieux pour les distraire que de slalomer en vrombissant autour des bateaux, quite à s’y cogner pour ceux qui n’ont pas compris les difficultés d’adhérer dans les virages sur une surface liquide…Une autre alternative offerte aux vacanciers : la ballade autour de la baie en bateau à moteur, sono à fond et cheveux au vent. Et bien sûr soirée dans les bars jusqu’à pas d’heure, sono à fond, toujours. C’est même à ça qu’on reconnaît les touristes.

La réserve de production faunique : Derrière cette façade, Salinas tient son nom des marais salans installés au sud de la pointe de Salinas, orientées vers le golfe de Guayaquil. L’eau de mer est pompée par un pipeline qui avance au delà des déferlantes et acheminée vers des bassins ou elle se concentre. Des larves de crevettes arrivent en même temps qui se développent et attirent des flamands roses qui viennent là intensifier la couleur de leur plumage qui passe du grisâtre au rose-orangé le plus éclatant. Des oiseaux migrateurs viennent aussi là pour se restaurer. L’élevage de crevettes proprement dit est donc réalisé ici en usines fermées, profitant elles aussi du pipeline d’eau de mer.





Au bout de la pointe Santa Elena, la Puntilla, un rocher battu par les vagues abrite une colonie de lions de mer venus du Pérou. Des plages orientées face au vent et aux vagues sont utilisées comme lieu de ponte par les tortues de mer…et comme spot d’entraînement et de compétition de surf.




La véritable activité économique et humaine a lieu à La Libertad, ville très étendue car construite d’immeubles bas, en raison de la sismicité de la région et du faible revenu de la plupart de ses habitants. C’est une zone portuaire active, ou exercent de nombreux pêcheurs. Les rue sont très commerçantes, entre échoppes et vendeurs à la sauvette, marchés couverts spécialisés dans les légumes, les viandes ou les poissons. A lui tout seul, le mercado marisco mérite le déplacement .

Une très belle vue de l’ensemble est offerte par le mirador El Moro, situé dans un terrain militaire où se pratiquent des tirs d’entraînement. Il est néanmoins possible d’y pénétrer en voiture, à condition d’allumer le « warning » en permanence.

Un peu à l’écart du centre, en direction de Salinas, un môle offre un immense super marché et des boutiques de luxe
Histoire de batteries
Le premier parc de batteries du bateau, des batteries « cycle profond » à gel, ont fonctionné pendant 5 ans et elles ont rendu l’âme au Brésil en 2018. Elles ont alors été remplacées par ce qui pouvait être trouvé sur place : des batteries de camion, adaptées au démarrage mais beaucoup moins à la consommation lente qu’exige un bateau.
Pour ne rien arranger, celui qui s’est chargé de monter le parc de batteries a cru bon de changer le câblage : le bon schéma recommandé dans les manuels a été consciencieusement remplacé par le mauvais. Au cours de l’opération, un câble a été étiré et en parti desserti. Du coup, seule la première batterie était constamment sollicitée et s’est donc effondrée la première. Elle a été sortie du montage en décembre, mais la suivante à donné des signes de faiblesse devant le Pérou. En 14 mois, le parc était mort.
Par chance, les mouillages de voyageurs offre la possibilité de dialoguer avec des marins qui sont sur leur bateau à l’année et connaissent ce genre de difficultés. Le mauvais montage de batterie est trouvé sur près de 50% des bateaux, un chiffre qui représente vraisemblablement le taux d’amateurs non éclairés qui se lancent dans l’opération.

Bref, il a fallu faire venir de Guayaquil un jeu complet de batteries deep cycle à gel, et le montage correct a pu être reproduit par un professionnel moyennant une remise en état du câble dont l’extrémité avait été dessertie en 2018.
Croisons les doigts