FÉVRIER 3, 2021
Action!
Le départ a été fixé ce mardi 2 février au lever du jour, à 6 heures du matin. La Laureline est le premier bateau à sortir de Rio Dulce, d’autres suivront peut-être la semaine, le mois où l’année prochaine, va savoir.
Ophélie, une jeune vidéaste est arrivée avant-hier, elle a pris l’avion à Paris juste avant la fermeture des frontières européennes. Elle est venue pour réaliser un reportage qu’elle souhaite présenter à un concours de la chaîne Arte sur le thème « besoin de personne « . Il s’agit de décrire une femme à forte personnalité et elle a choisi Sigrid !

Pour tirer le portrait d’une capitaine 500 dont le métier est de convoyer des bateaux dans les Caraïbes, Ophélie souhaitait filmer Sigrid aux commandes d’un bateau qui part vers la mer des Caraïbes . La Laureline était donc sa seule option.


La vedette de cinéma Sigrid et la réalisatrice Ophélie sont donc montées à bord le temps du parcours vers Livingston, avec un bref détour dans un site idyllique à El Golfete, au bord du Rio. L’ancre a été posée pour qu’Ophélie puisse lancer son drone sans risquer de le voir tomber à l’eau.


De petites hirondelles jouent avec d’etrave, des cormorans promènent des brindilles pour faire leur nid, des aigrettes blanches sillonnent l’espace ou se perchent bien en évidence sur le font vert de la jungle tandis que dans le ciel 5 vautours surveillent attentivement le drone d’Ophelie. Le silence est seulement troublé par les aboiements rauques des singes hurleurs et le bourdonnement du drone.
A Livingston, la Laureline est le seul bateau à passer en douane pour faire une sortie du territoire. Le bruit court sur les pontons de toute la mer des Caraïbes que les frontières du Guatemala vont bientôt être fermées de nouveau et tout le monde se précipite pour venir se réfugier à Rio Dulce.

Sigrid et Ophélie repartent par la lancha de 14h30 pour Rio Dulce ou Sigrid doit terminer la préparation d’un grand catamaran Lagoon qu’elle doit emmener à Panama avec 2 équipiers guatémaltèques.
FÉVRIER 11, 2021HÉLÈNE
Bélize
du 3 au 6 fevrier 2021
En partant de Livingston vers le Nord, le vent hésite après un passage de nordet, il tournoie mollement autour d’une petite zone de hautes pression centrée sur le Golfe du Honduras..
La logique maritime est de passer à l’intérieur de la grande barrière de corail qui borde le Bélize, pour éviter la houle, même si l’entrée est interdite aux bateaux .
Le droit international autorise en principe la navigation dans les eaux de tout pays, y compris la pose d’une ancre pour une courte durée, mais interdit de descendre à terre ou même de prendre une bouée.
L’option retenue est donc de pénétrer entre les îlots protégés de la houle par la barrière de corail, en arborant dans les haubans le drapeau du Bélize et le pavillon jaune Q pour quarantaine, AIS et VHF allumés, voiles hautes. Le dinghy est ficelé sur le portique, pour signifier clairement que l’équipage est à bord.
C’est sous ce mode « furtif », que le capitaine engage résolument son bateau entre les îlots de mangrove au sud du Bélize.
Personne, même pas un oiseau. Des méduses grosses comme des ballons de handball naviguent avec indifférence par bancs de quelques individus au ras de la surface. De forme quasi sphérique elles portent un anneau rouge délavé et une frange noirâtre juste au-dessus du pôle d’ou émergent leurs courtes tentacules.
Certaines îles portent des habitations qui semblent inoccupées. Claude à la barre sous voile guide en douceur le bateau jusqu’à New Heaven, une baie cernée d’une mangrove étonnamment silencieuse ou l’ancre est descendue par 3 m d’un fond de vase, pour une nuit tranquille au mouillage.


Le lendemain, départ à l’aube . L’incursion se prolonge en privilégiant le canal Victoria plutôt que le canal intérieur, à distance de Plancentia, pour apercevoir les nombreux îlots coralliens réputés pour offrir des plongées de rêve.

Eau bleue, sable blanc, cocotiers et palétuviers, une léger voile dans les lointains laisse apparaître les montagnes couvertes de jungle, de petits nuages blancs lumineux juste au-dessus, au premier plan en bas à droite, un ou deux gros dauphins arcquent paresseusement le dos, un pélican se hasarde à traverser ce décor de carte postale. .. mais tout est désert . Pas de croisièristes, pas un seul de ces horripilants jet ski, pas de parasols, pas de zodiacs, ni de plongeurs, pas un cri d’oiseau, et bien sur pas de voiliers. Les toits de palmes des « resorts » sur pilotis se déplument sous le soleil éclatant, les volets sont fermés

En fin de journée, la Laureline quitte le canal Victoria à hauteur de Blue Ground Range, releve sa dérive et traverse un « champ de patates », hauts fonds rocheux hérissés de têtes de corail, avec un appui sonar et une vigie juchée sur la planche à poule au dessus du poste de l’ancre, pour rejoindre South Water Cay.
Cet îlot de la barrière de corail héberge un haut lieu de plongée, un hôtel, et une base de recherche sur la vie corallienne, au bord d’une passe vers la haute mer. Pas de clients dans l’hôtel et les volets de la base de recherche sont fermés.

Deux gardes sont là qui écoutent leur sono en buvant des canettes sur des chaises longues, mais ne s’émeuvent pas de la présence d’un monocoque de 44 pieds dans moins de 2m d’eau. L’ancre est descendue dans un lit de sable et d’algues courtes.
Au coucher du soleil, une barque arrive du Nord sous voile, avec un équipage rieur qui jette l’ancre par-dessus bord avec désinvolture, avant d’installer une tente sous la bome où ils s’abritent pour la nuit, sans un regard ni un geste vers nous.

Finalement nous ne sommes donc pas seuls au monde, ça vaut bien un timide bain de mer, le premier depuis le début du voyage . Les vagues déferlent tout près, de chaque côté de la passe.
Le lendemain, tout le monde est sur le pont à 4 heures du matin. La lune est là, gibbeuse mais suffisamment puissante pour éclairer la passe. Cinq lampes frontales rouges s’animent sur le pont, chacun à sa mission en silence.
La grand voile est hissée avant même de lever l’ancre, et le bateau est engagé dans la passe où il retrouve la houle de la limite du plateau continental. Les alizés se sont rétablis, en quelques dizaines de mètres les fonds dépassent les 100 m. La route au Nord Nord-est, tribord amure, passe entre la côte et l’atoll corallien de Turneffe island, ou la houle est aplanie, le bateau glisse allègrement par vent de travers. Les quarts s’organisent pour cette longue journée à la voile.
L’objectif de cette dernière journée au Belize est de jeter l’ancre devant l’île Ambergris, en entrant par la petite passe de San Pedro.
San Pedro est une petite ville accessible aux bateaux de faible tirant d’eau, le premier poste frontières pour ceux qui viennent des USA. L’ile est couverte de bâtiments avec vue sur la mer.
À peine visible depuis le large, la passe de San Pedro n’est marquée que par une interruption de la ligne des bâtiments et une bouée jaune visible depuis le large. Il faut approcher de la bouée vent arrière, puis obliquer vers un amère à terre, toujours sous grand voile, le génois a été roulé pour simplifier l’équation, et le moteur a été allumé au cas où, pour arriver devant le village. C’est là qu’il est grand temps de faire tomber la grand grand-voile avant d’atterrir dans le poste de la police maritime.
Marc a bien organisé la manœuvre : une fois passée la barrière de corail, Manu à la barre fait kiffer le bateau rapidement en faisant un tour sur lui même, bome libre, et dès que la voile fasseye, la drisse est lâchée d’un bloc, elle est bien dégagée sur toute sa longueur, et les coulisseaux de grand-voile ont été bien huilés. La voile s’effondre en accordéon dans son lazzy jack, en une seconde, et Marc re-etarque l’écoute de grand voile pour empêcher la bome de balayer le pont tandis que le bateau termine gracieusement sa toupie de 270° , juste devant le poste de police.

Sans demander son reste, la Laureline repart cap au sud sur un ou deux milles pour aller chercher un coin tranquille et mouiller l’ancre dans du sable dans 2 m d’eau, face au vent et à la ligne de brisants, bien visible depuis le plan d’eau.
Quelques catamarans semblent assoupis devant la ville. La navette pour Belize City passe et revient 2 heures plus tard. Mais cette activité modeste n’a sans doute pas grand grand-chose à voir avec l’activité de ville balnéaire décrite dans les guides.
Départ le lendemain à 7 heures, une fois que le soleil est assez haut pour distinguer les brisants et la bouée jaune.

En sortant du zigzag au milieu des brisants, La Laureline bondit dans la houle qui se précipite dans la passe puis très vite les fonds se perdent dans les abysses. Le bateau retrouve les alizés maintenant solidement établis, le barreur reprend le vent tandis que le génois est déployé. Cap au Nord Nord-est
Belize, c’est fini, je ne crois pas que j’y retournerai un jour…
FÉVRIER 11, 2021HÉLÈNE
Trois jours à Banco Chinchorro
du 7 au 9 février 2021
Sous grand voile et genacker par vent de travers, aidée par un courant portant de 1 puis 2 nœuds, la Laureline a battu ses records de vitesse malgré son poids.

Vers 16 heures, elle entrait dans la passe nord de l’atoll corallien de Chinchorro bank, pour aller jeter l’ancre dans du sable devant le phare blanc de Cayo Norte.


L’île est surveillée par l’infanterie de marine mexicaine qui laisse là des équipes de 4 hommes pour des périodes de 1 où 2 mois. Ils veillent à la protection environnementale tout en assurant la surveillance des traffic de tout poil dans leurs eaux.
Trois jeunes hommes ne tardent pas à arriver sur une lancha solidement motorisée, souriants mais armés de pistolets automatiques et demandant à visiter le bateau pour s’assurer qu’il ne transporte pas d’armes ou autres produits interdits. Ils sont accueillis avec le sourire et après une brève visite , la proposition de partager une bière à bord pour fêter notre arrivée au Mexique dégèle l’atmosphère, même si nous arborons le pavillon de quarantaine. Manu leur offre un guacamole à la française qu’il a préparé lui-même et les sourires s’élargissent encore. Quand ils repartent ils nous invitent à venir le lendemain dimanche partager un gros poisson, nous ramenerons la boisson.
Rencontre avec le gradé heureux d’offrir l’hospitalité de la maison qu’ils habitent au pied du phare désaffecté.




Le bâtiment est construit pour résister à un cyclone, en béton armé recouvert d’un parement beige, des volets en accordéon sont cadenassés en-cas de cyclone. Dans le jardin, une flopée d’iguanes se prélassent sur une dalle bétonnée et attendent manifestement les épluchures de légumes et des restes de table.




A l’intérieur ils nous reçoivent dans une grande cuisine ou un gros poisson mijote entre des feuilles de cocotiers dans une grande casserole. Sauce au piment et aux petits légumes, frijoles de haricots noirs et riz, complètent le menu. Le gradé est intarissable, nous avons du mal à suivre son castillan clair mais fort rapide. Nous les quittons sur la promesse de se revoir le lendemain pour une petite excursion à la palme et au masque dans le jardin des caracolles, en partant de la plage.



Ils nous invitent encore , le poisson d’hier n’est pas terminé, nous avons amené des pommes de notre réserve de bord.





Cozumel, départ de Marc
Position 11 février
Bien arrivés à l’île de Cozumel, un « commando » masqué de pas moins de 7 personnes représentant les autorités douanières,l’immigration, la police, la police sanitaire (Covid), le contrôle des denrées alimentaires sont montées à bord, au lieu de café nous offrons une rasade de gel hydroalcoolique dans les mains, dont ils se contentent. Les formalités sont vite terminées. Nous avons produit les résultats négatifs des tests antigéniques réalisés à bord gràce aux dispositifs Abbott embarqués. Merci à Aurélie G. de nous les avoir procurés!
Ils ont emballé dans un grand sac poubelle les tomates et nos belles carottes, les petits oignons du frigo , les citrons verts du filet arrière, toutes les petites saucisses avec lesquelles on espérait donner du goût à nos haricots ou appâter des langoustes dans le piège à crabes.
Ils nous ont laissé les fromages, le beurre… et les 15 canettes de bière qui restaient, par mesure d’indulgence, l’alcool étant interdite à bord des bateaux.
Pas grave, ce soir, c’est restaurant, en terrasse, à la Monina . Tapis imprégné de désinfectant, aspersion du client avec un spray, gel hydroalcoolique, masques tant que nous sommes en mouvement… Ils cherchent tant bien que mal à maintenir leur activité, mais nous sommes les seuls clients à venir .
Marc a terminé sa mission de mise en état du bateau, et se prépare à quitter le bord avant le départ pour Cuba : il va nous manquer à tous!
Position à 10:00 locale (15:00 UTC) :20° 31.06′ N, 86°56.79′ W
Le bateau est maintenu prêt au départ (re-avitaillement) de façon à lever l’ancre dès que se présente le vent du sud, si Eole entend nos prières et consent à être favorable au franchissement du puissant courant du Yucatan qui porte vers le golfe du Mexique d’où naitra le Gulf Stream.


FÉVRIER 12, 2021
Cozumel
Le jour du départ de Chinchorro, la navigation a été musclée sous un vent variable en intensité comme en direction, charriant des pluies denses. Abattre à chaque grain, reprendre la route entre deux, régler les voiles… En fin d’après-midi, l’arrêt derrière une île perdue au milieu de la baie de l’Ascension était bienvenu. Aussitôt franchie la passe dans la barrière de corail, la mer s’aplanit et prend une couleur turquoise, le vent cesse ses sautes d’humeur.

Au cour de la nuit, les averses ont cessé et le lendemain, la Laureline a eu droit à des conditions beaucoup plus sereines pour courir jusqu’à Cozumel. Sans rencontrer aucun bateau, avant de croiser les navettes de liaison entre Cozumel et le continent. Les touristes ont déserté les côtes mexicaines des Caraïbes.




L’entrée officielle au Mexique a été organisée ce matin par un agent qui a coordonné la visite du bateau de toutes les autorités impliquées : douanes, police, police sanitaire, contrôle des denrées alimentaires. Nous avions heureusement pu produire des résultats négatifs de recherche d’antigènes du coronavirus, mais nous n’avons pas pu sauver les belles carottes achetées au Guatemala.
Le contexte sanitaire n’est pas propice à une exploration touristique des lieux. Le choix de Cozumel comme porte d’entrée et de sortie plutôt que isla Mujeres est lié à sa situation géographique, plus au sud dans le courant du Yucatan qui porte vers le nord à une vitesse de 2 nœuds. La traversée vers Cuba doit être réalisée par vent de Sud idéalement, oscillant en réalité autour du sud sud est. Il faut une fenêtre de tir la plus sud possible pour éviter de rater Cuba malgré une allure de près serré.
Un départ depuis Isla Mujeres offre en principe une traversée plus courte, mais avec une contrainte plus forte sur l’orientation du vent.
C’est donc le vent qui décide de la durée du séjour, et les logiciels météo poussent déjà au départ dans la nuit de samedi à dimanche.


Séance de re-avitaillement donc, et passage à pieds dans la ville désertée par les touristes. Tout est là, Perry à quai, taxis en ligne, boutiques ouvertes…quelques américains sporadiques, de rares français . Pas de bousculade au mouillage !
FÉVRIER 13, 2021
Le jour du départ
Une vague de froid arctique descend d’Amérique du Nord. Un vent de Nordet puissant souffle sur l’ouest du Golfe du Mexique, une dépression s’est formée sur le passage de ce front froid, qu’il faut combler avec de l’air qui vient de chez le voisin : les Caraïbes. L’appel d’air est suffisamment puissant pour désorganiser les alizés, créant un « pre-front » en réponse au front froid. Ils se renforcent, charrient des « grains » et des orages, basculent de leur orientation sud-est à une orientation sud-sud-est voire sud, avant de faiblir, cafouiller, et on peut s’estimer heureux quand le front froid ne descend pas plus au sud jusqu’au Guatemala comme au moment de notre départ de Rio Dulce : le vent de Nordet qui rencontre le courant du Yucatan créé une mer très désagréable.
Cette situation de pre-front se produit dans la nuit de samedi à dimanche, et elle est peu fréquente. Contrairement à ce qui nous est familier sous nos latitudes, il n’y a pas sous les tropiques de front chaud pour prévenir de l’imminence de l’arrivée du front froid et les changements sont plus rapides et inattendus, mais moins violents que chez nous. Nous avons les logiciels météo.
Le capitaine a donc choisi de partir dimanche matin pour se lancer dans la traversée vers Cuba, alors que les alizés seront encore turbulents et parsemés d’activités orageuses. Le barreur devra étaler chaque survente en abattant, puis reprendre stoïquement sa route vers l’ouest. La puissance du vent devrait permettre de surmonter le courant de 3 nœuds qui portent vers le Nord sur un tiers de la traversée.
Croisons les doigts. Pour un barreur de génie comme Claude, c’est évident, pour moi qui suit beaucoup plus timide à la barre surtout la nuit, c’est quand même un peu gloups.
Départ 15 fevrier à l Aube



Position le 14 fevrier
Position le 14 février 6:40 (11:40 UTC): à l’ancre devant San Miguel 20°31.07′ N 86°56.79′ W
Prêts au départ pour Cuba.
Bonne fête à tous les amoureux
13 fevrier
hier nous avons assisté au retour de pêcheurs locaux, qui pêchent au fusil-harpon. Encore équipés de leurs ceintures de plomb, ils avaient ramené une grosse langouste, et étaient occupés à nettoyer au bord de la mer 2 beaux barracudas, poissons que nous n’oserions pas ramener à bord, car suspects de ciguaterra. Marc leur a demandé en « portugnol » comment ils pouvaient s’assurer que leurs poissons pouvaient être mangés sans risque. « probar! […] dulce! » et effectivement, ils enlèvent très soigneusement les entrailles en un bloc intact, et croquent un endroit précis des viscères, recherchant un goût caractéristique sucré (?), impossible de comprendre si cette saveur particulière est bon ou mauvais signe. En tout cas, les poissons ont passé leur examen vétérinaire organoleptique avec succès, et ont été séance tenante découpés en darnes régulières sur une planche, en utilisant un couteau, puis une machette et une matraque en bois pour casser les pu
issantes colonnes vertébrales, avant de partir sans doute vers un restaurant.
De nombreux avions ont attéri hier à Cozumel, du monde arrive à San Miguel pour le carnaval.. il est grand temps de prendre le large, au vu de l’âge moyen de l’équipage, qui le rend particulièrement vulnérable