5 mars : arrivée à Puerto Montt, mission accomplie!
Position: 41°30 S, 72°59′ W, 1022 hPa, vent du nord 11 kt, amarrage au ponton de la marina nauticos Reconcalvi à Puerto Montt.
Une baston à 35 kt sur l’île de Chiloé et en particulier sur Mechuque s’annonce sous peu, notre divin mouillage ne pouvant le rester longtemps, nous avons décidé de partir de nuit, par une nuit sans lune.
Sans rien voir, avec des cartes fausses, des écueils connus placés au mauvais endroit, et des fermes marines non éclairées non balisées, nous avons réussi à nous extraire du piège. Nous progressions contre le vent à la petite vitesse d’un voilier à 4 kt.
Dans la nuit, dans le passage étroit qui conduit au golfe d’Ancud, le Royal Princess, le fameux paquebot de 330m de long, nous a rattrapé à la vitesse astronomique de 20,2 kt, avec CPA à 300m (C’est trop près pour nous). Nous connaissions ce monstre, parce qu’au moment de passer le cap Tamar, lorsque nous devions virer au bout du détroit de Magellan, il arrivait en face, et Marc s’est permis le culot de lui demander de virer de 10° pour nous laisser la place. Il a obtempéré immédiatement avec courtoisie.
Cette fois-ci, sans rien avoir à lui demander, en voyant à nouveau la Laureline sur sa route, il a spontanément dévié sa route de 10° pour ne pas nous déranger. Merci Royal Princess !
le Royal Princess s’est écarté à 1 mile de notre route
Après la remontée du chenal et l’aide efficace du personnel de la marina nauticos Reconcalvi, nous avons amarré la vaillante Laureline au ponton, et nous sommes tous les trois chaleureusement embrassés, si contents d’arriver . La remontée des redoutables canaux de Patagonie : on l’a fait ! Et le comandante a même ajouté une grosse bise sur la coque de la héroïne de l’histoire.
Le bateau est arrivé à 16:36 UTC à Puerto Montt, l’objectif du voyage engagé l’été dernier à Cherbourg est atteint
Carte des vents « earthnull school », 5 mars 2019. Ce n’est en effet pas le moment de s’engager dans le golfe des Peines ou de trainer à portée de Nord Ouest dans le golfe de Corcovado! j’ai une pensée pour Zoomax que j’espère à l’abris.
4 mars : Mechuque
Position: 42°18′ S, 73°15′ W, 1022 hPa, mer calme vent nul.
Marc et Arnaud
Nous sommes mouillés à l’île Mechuque, située à quelques heures de l’île Chiloé. Les palafitos colorés jaune ou bleu et les tuiles en bois d’alerce donnent à ce village éloigné de tout un charme fou.
mouillage à Mechuque
A part la pêche, l’activité est centrée sur la construction navale à même la plage d’embarcations en bois de 15 à 20 mètres avec un outillage rudimentaire et des méthodes ancestrales pour cintrer les bordées. Il leur faut six mois pour livrer un bateau de pêche.
palafitos à Mechuque
construction de bateau à Mechuque: les bordées sont ramollies à l’eau bouillante dans un tube avant d’être clouées
Sur le chemin des enfants cueillent des mûres, Paulino qui tient le musée nous a offert de la confiture de mûre ; il était content de rencontrer des français, car son neveu Jose Edulio Barrientos, natif de Mechuque, exilé en France au moment de Pinochet, est l’auteur d’une sculpture en bronze de Mendès France inaugurée par Mitterand.
Emmanuel et Paulino
Nous lui avons offert un grand drapeau Français dédicacé : « La laureline, du Spitzberg à l’Antarctique, en passant par Mechuque, signé par le comandante Emmanuel et les tripulaciones Marc et Arnaud » . Il l’a aussitôt accroché en bonne place dans le musée.
4 mars: Dalcahue
Après un repas au restaurant Octavia à Castro, où nous avons découvert le délicieux congre de Patagonie, très différent de celui de Méditérannée, nous découvrons en reprenant la météo qu’il ne reste que quelques jours de beau temps avant nouvelle dégradation. Les canaux étant mieux balisés à Chiloé, nous décidons de naviguer de nuit, afin de ne pas manquer les dernières visites de la fascinante île de Chiloé.
Départ du mouillage de Castro à 23 heures, arrivée à Delcahué le 4 à 5 heures. L’église en bois est au patrimoine de l’Unesco, le village est animé par un marché aux légumes.
bateaux de pêche et église à Dalcahue (proche de Mechuque, sur l’île Chiloe): L’église en bois est inscrite au patrimoine de l’Unesco
Nous sommes étonnés du nombre de bateaux de pêche équipés de compresseur et d’un narguilé pour la plongée sous marine à l’ancienne.
D’après un article publié le 12 octobre 2015 par le Figaro Nautisme « Chiloé, la vie à un fil » chaque plongeur – souvent patron et propriétaire de la barque – embarque un matelot qui demeure en surface et l’assiste pendant ces séances qui peuvent durer jusqu’à quatre heures.
Reliés à la surface par un tuyau, les plongeurs passent ainsi des heures sous l’eau en quête d’algues rouges et d’ormeaux endémiques dont les marchés asiatiques sont friands. Les plongeurs ont renoncé à travailler avec des bouteilles d’air comprimé, car elles ne durent pas assez longtemps, sont chères à l’achat et délicates à entretenir. Les Chilotes leur préfèrent ces compresseurs archaïques, faciles à réparer, dotés de manomètres qui permettent d’adapter la pression de l’air à la profondeur souhaitée. Quant aux tuyaux, quand ils s’endommagent, un morceau de chambre à air suffit à colmater la fuite.
bateaux de plongeurs à Delcahue : en jaune, le tube du narguilé
Vers midi, on continue pour l’île de Mechuque, distante de 23 milles.
3 mars : Castro, capitale de Chiloé
arrivée sur l’île de Chiloe
position: 42°28′ S, 73°45′ W, 1018 hPa, au mouillage devant Castro.
Arrivés dans le golfe de Corcovado, on chemine entre les hautes montagnes qui dominent une étroite bande de terre, avec parmi elles les volcans de Michinmahuida, Corcovado (2990 m), et Monte Yanteles.
Ils retiennent de lourds nuages sombres vite renouvelés en laissant entre temps de courtes périodes d’ensoleillement magiques qui éclairent les rouges et jaunes des bateaux de pêche. En remontant l’île de Chiloé, nous avons approché l’estero Pailad animé par la allers et venues des pêcheurs, les dauphins, et une variété ornithologique incroyable, puis nous sommes venus mouiller devant les palafitos de Castro, des maisons en couleurs vives sur pilotis recouvertes de tuiles en bois d’Alerce.
cygnes à cou noir à Castro
La description par Darwin en 1834 était assez sombre « La place est si pauvre qu’il a été impossible de trouver un kilo de sucre. Aucun habitant n’a de montre ni d’horloge, l’heure est donnée par la cloche que fait sonner un vieux gars supposé avoir une notion de l’heure. »
Aujourd’hui, la ville parait prospère, nous partons nous promener en prenant garde aux voitures que nous n’avons pas vues depuis longtemps.
l’équipage devant l’église Saint Francis à Castro
2 mars : un vent favorable nous conduit
Position: 44°01 S, 75°12′ W, 1022 hPa, vent réel 12 kt, vitesse surface 5,8 kt, vitesse fond 6,2 au petit largue.
Nous avons eu la chance, à ne pas manquer, d’avoir un vent qui a progressivement tourné dans un sens favorable au large des côtes Chiliennes, il nous conduit au golfe Corcovado que nous devrions atteindre dans la journée. « le vent part au midi, tourne au nord, tourne, tourne et va. Ainsi faisons-nous de même lorsque nous prétendons y échapper, s’il fait laid à droite, je prends à gauche » disait Montaigne.
En plus ça nous rend philosophes: « Acceptation sereine du devenir, du mouvement, de l’impermanence, et de la vanité » commente Comte-Sponville.
1 mars : vers le Golfe de Corcovado
Position: 45°49′ S, 76°04′ W, 1019 hPa, vent réel 17 kt SW, vitesse 7 kt au petit largue, GV haute et Yankee, courant 0,8 kt au 328°.
Après avoir traversé le golfe des Peines au près serré, nous avons prolongé par un long bord vers le nord-ouest, afin d’aller chercher la renverse qui devait arriver vers 20-22 h selon les grib, prêts à changer d’amure au moment du « veering and backing » ( le vent vire et le vent revient). Nous avons attendu attendu, ça ne venait pas, le vent tombait tout comme la vitesse, jusqu’au calme plat.
Nous avons passé la nuit au moteur, que nous avons enfin arrêté au petit matin à 6h50. Le SW tant espéré est enfin arrivé, il nous propulse le long des côtes Chiliennes à plus de 7 kt au petit largue. A ce rythme, nous devrions arriver dans le Golfe de Corcovado demain dans la journée.
28 février : le Golfe des Peines
Position 47°21′ S, 75°24′ W, 1020 hPa, vent réel 5 kt NW, courant 0,7 kt au 170°, cap vrai 305°, GV 2 ris et moteur 1700 t/mn.
Le franchissement du Golfe des peines oblige à respecter quelques précautions vis à vis de la météo et du dessin de la route optimale. Ce qui rend particulier le golfe, c’est son énorme houle du SW levée par les tempêtes qui arrivent plus au sud sur les Andes pour franchir le passage de Drake et le cap Horn. De plus cette houle arrive sur un plateau continental qui fait passer les fonds marins brutalement de 3000 m à 100 m,
ce qui tend à lever des vagues et leur faire perdre leur régularité.
Là dessus un vent du NW même léger peut créer une mer assez désordonnée pour mettre en difficulté les petits bateaux, en les poussant petit à petit vers la côte. D’ailleurs, même les gros navires ne se risquent pas à traverser en cas de mauvais temps et préfèrent attendre. Les récits de navigation des célèbres romanciers Chiliens, Francisco Coloane et Luis Sepulveda sont éloquents, ils invitent à la plus grande prudence pour ne pas subir le même sort que leurs héros.
Parfois, le bateau est tellement agité qu’il ne faut plus compter sur le moteur. L’eau et les résidus qui trainent dans les fonds de cuve de gasoil sont secoués, et viennent obstruer préfiltres et filtres, les histoires de panne de moteur sont fréquentes. En préparation, nous avons profité hier après- midi du calme du canal de Messier pour siphonner l’eau du fond de nos cuves de gasoil grâce à un ingénieux système de pompe, tuyau rigide, et ajout de nable inspiré de la méthode d’Olivier Fourment sur Chugach.
Hier matin, quand est tombée l’info météo de Marcel Oliver « GOLFO DE PENAS FAIR WEATHER UNTIL SATURDAY » et en examinant le déroulé des fichiers grib, il nous a semblé que la traversée était possible. Nous avons avancé toute la nuit, nous sommes maintenant au milieu du Golfe avec les baleines par mer calme et houle légère. Un vent du NW nous attend au tournant là-haut, nous prévoyons pour le négocier de tirer un bord de 50 milles plein ouest de façon à le prendre au près bon plein.
ça devrait passer.
au milieu du Golfe avec les baleines par mer calme et houle légère