La Laureline se trouve désormais dans l’hémisphère Nord, elle a été hivernée à Arzal. Avec un été entre juin et septembre donc. L’occasion de repartir vers des contrées plus familières, déjà visitées brièvement en 2015 et 2016, avec un goût de trop peu.
Equipage réduit à trois personnes cette année : Emmanuel, Serge et Hélène jusqu’à la mi-août, prévue à Boulogne sur Mer, puis Emmanuel, Anaïs et Hélène de Boulogne sur Mer à Arzal fin aout.
Le Capitaine aurait aimé rattraper le temps « perdu » en raison de la période électorale en taillant sa route plein nord, tout droit vers ces îles habitées par des oiseaux, tout là-haut. Selon la météo, et sachant que tirer des bords face au vent et aux vagues n’est pas le meilleur moyen de s’amariner, il y aura quand même une acclimatation de l’équipage en Bretagne et ou en Pays Pays de Galle avant de s’engager dans le Chenal Saint Georges .


Un faux départ, puis un vrai
Faux départ… Le départ devait avoir lieu le 21 juin, l’écluse de 17 heures avait été réservée, mais c’était sans compter sur la défaillance de l’écran de la table à cartes, dont les contacts corrodés ne laissaient plus passer de signal. Un jeune électricien est rapidement venu monter un écran neuf, et c’est alors la station-service qui s’est trouvée à cours de gasoil…bref, ça a été l’écluse de 20 heures, et le ponton d’attente de la marée montante du 23. Nuit au calme et départ à 6 heures 30 sur la Villaine, soleil matinal et dégradés de verts et de bleu, cheminement dans les méandres de la rivière. À la sortie de l’estuaire, il est temps de hisser la grand voile.

Mais voilà qu’elle est crevée de plusieurs estaffilades verticales, dont une grande! retour à la case départ, appel téléphonique au voilier, il est fermé mais accepte de nous recevoir. En arrivant au ponton, la marche arrière se bloque transitoirement , appel au mécanicien, qui va passer..
Grand voile démontée, descendue, roulée sur le diable, acheminée chez le voilier qui procure des pièces collantes et les coud sur la toile fatiguée. Retour au bateau, remontage des lattes, voile hissée à bord, puis fixée aux coulisseaux, le bateau est changé de bord pour se trouver à peu près face au vent, pour remonter les bosses de ris, pas possible de hisser la voile, elle est remise dans le lady jack, le mécanicien est passé et a corrigé un réglage de la butée du câble d’embrayage..


…il est 17 heures, le vent de sud-ouest a ramené la pluie, il est temps de partir avant que la marée ne soit complètement basse. Et vogue la galère.
Cette fois ci sera peut-être la bonne!
Traversée de la Manche , arrivée à Penzance
Du temps perdu au départ alors que la fenêtre météo est étroite… Une dépression s’éclate sur l’Irlande, une prolongation atteint les côtes de la Cornouaille vendredi en milieu de journée. Comme le vent est nul au début puis se lève au portant, le Capitaine décide de traverser la Manche dans la foulée de la croisière devant les côtes bretonnes, pour attendre à Penzance l’accalmie dans le canal St Georges

Pression atmosphérique à 1011, ciel bleu, la mer très calme permet une progression lisse et une entrée dans la nuit sereine
À partir du quart de minuit, le baromètre entreprend une descente régulière. Nuit noire , brouillards, laissent la place à un jour maussade, le vent monte progressivement du sud ouest. Arrivée sur les chapeaux de roue, et sous une pluie battante, poussés par un vent de 25 30 nœuds, juste avant l’ouverture de la porte du port à flot.
La Laureline attend à l’ancre dans le port à sec l’ouverture de la porte 2 heures avant la pleine mer et 1 heure avant. Un pêcheur est le premier à rentrer aux abris. Dans le fond, le Mont Saint Michel local

Penzance est un port de bateaux fantômes et de résurrections. Celui-là était en pleine restauration lors du dernier passage de la Laureline. Il est magnifique, comme neuf malgré ses 60 ans, il a retrouvé du travail.




Golowan festival, back to the future
Le bon moment pour rester bloqué à Penzance : le festival de la saint Jean, Golowan festival en gallois, bat son plein. Le thème cette année : back to the future , et les musiques traditionnelles régionales ont le vent en poupe.
C’est aussi l’occasion de célébrer le 40ème anniversaire du jumelage de Penzance avec Concarneau. Les maires se lancent dans leurs discours chacun dans sa langue, une délégation de Bretons est là.
La Laureline arbore le pavillon jaune signifiant que Penzance est le premier port utouché en Grande Bretagne. Les autorités portuaires ne savent pas trop quoi faire des nouvelles règles depuis le brexit. Deux autres bateaux français sont dans la même situation, dont les équipages n’attendent plus à bord un hypothétique passage des douanes.



Couronnés de fleurs ou portant des chapeaux excentriques, vêtements bariolés, une pinte de bière à la main… les gens s’amusent de bon coeur, suivent les fanfares, dansent en rondes en marquant la cadence.
Un thème récurrent est porté par plusieurs groupes de musique folklorique entourent un duo de danseurs, une femme avec un fouet ou un tambourin, qui fait danser un squelette de cheval couronné de fleurs et qui claque des dents en mesure à l’occasion. Deux groupes rivaux jouent sur ce thème. Le Golowan band et son cheval noir revendiquent d’être les premiers


Ambiance bon enfant et décontractée, tout le monde court se protéger des giboulées brèves avant de se retrouver autour des musiciens.
D’autres groupes s’expriment de façon plus classique, école de jazz ou fanfares, groupes rock. Sans compter la fête foraine et un feu d’artifice.
Toujours bon pied bon oeil
Au fil des jours passés dans le port, alors qu’il fait 30 nœuds dehors, nous rencontrons d’autres équipages, et leurs bateaux.
Certains bateaux sont vieux, mais ils travaillent toujours. Notre voisin, Terramar, a été construit pendant la seconde guerre mondiale, il est capable de « beacher » pour débarquer du matériel roulant. Il le fait toujours, au Scilly, et reprend son service demain, fraîchement repeint.

Morag est écossaise, elle a fait l’acquisitionavec son mari d’un bateau de pêche de 1927 qu’il vont réaménager pour en faire un charter. Pour le moment, le bateau a été remis en état de prendre la mer, et par la semaine prochaine pour Edimbourg.
A côté, un bateau plus que centenaire est arrivé à la rame, il n’a jamais eu de moteur et n’a jamais cessé de travailler. Ce bateau est la maison de ses propriétaires, et avec leur look de Robinson Crusoé, son capitaine et sa femme sont allés un peu partout, comme en Afrique du Sud, avec leur 4 enfants. Barre franche, équipement rudimentaire…

Le gros du coup de vent est passé aujourd’hui, avec de violentes averses. Ce soir le vent s’est calmé, les nuages partis pour quelques heures, le temps de faire un peu de courses : départ demain avec l’écluse de 6 heures

Port Ellen
Poussée par les vents et pendant les 6 dernières heures par un fort courant de marée dans le North Channel, la Laureline est arrivée hier soir à Port Ellen, en 2 jours et 18 heures

Après une nuit à l’ancre, le bateau s’est engagé dans la petite marina , où une place libre l’attendait. Système self service chacun s’installe comme il peut et donne un coup de main au suivant. Les 3/4 des bateaux logés là sont français. Accueil gentil mais attristé par la mort le matin même du Harbour master , tombé dans l’eau alors qu’il tentait d’aider un bateau à se désenchouer . Il n’a pas pu être réanimé .


Le vent est robuste, il le sera plus encore demain. Une onde de pluie est passée ce matin, laissant la place à un jour gris et frais, la bonne température pour suivre le sentier des islay, et déguster un « flight » chez Lagavulin.


Bull Hole

Il pleuvait encore un fin crachin sous un ciel gris, par un vent de 15-20 noeuds. Le courant était favorable dans le Sound of Islay à condition de s’y engager vers 6 heures du matin. La marina de Port Ellen était remplie depuis la veille au soir par une petite flotille de joyeux bateaux irlandais arborant des étendards celtiques. Il était temps de quitter ce petit port agréable.
Les amarres ont été larguées à 4 heures du matin et le bateau a glissé en silence vers la sortie, quel bonheur d’avoir retrouvé ma casquette à oreilles pour bien profiter du paysage, des chasses en piqués spectaculaires de fous de Bassan, les groupes de petits guillemots, des reliefs verdoyants de chaque côté du loch.
Le vent d’ouest a ensuite poussé le bateau à bonne allure vers la pointe du Ross of Mull, ou un loch s’ouvre entre des rochers de granit rose, pour trouver « bull hole ». Ce refuge protégé de la mer abrite en son sein plusieurs bateaux de pêcheurs au mouillage. Un peu à l’écart, l’ancre a été descendue dans 2 m d’eau avec 40 m de chaîne afin d’encaisser un vent frais en cours aujourd’hui. L’idée aurait été de descendre du bateau pour prendre le passeur vers Iona et visiter un ancien monastère. Mais si la houle est bien cassée, le vent et la pluie froide passent librement et une excursion en dinguy dans ces conditions n’est pas très tentante. Les pêcheurs sont restés au mouillage, lex bateaux dodelinent au milieu des rochers nimbés de pluie, le chauffage eberspecher et la cocotte minute assurent l’ambiance du salon de lecture.
Le baromètre est au mieux de sa forme, demain s’ouvre une période de beaux jours
Treshnish islands
Court trajet aujourd’hui, pour profiter de l’accalmie et passer près de Staffa , et poser l’ancre à Treshnish pour voir les oiseaux.
Les nuages sont écrasés sur la mer par le baromètre : 1028 millibars ! le brouillard se hisse difficilement plus haut que le mât, le vent très faible souffle du Nord Ouest, face à la marche du bateau, 12 miles à parcourir au moteur. La silhouette de Staffa sort de la brume et voilà les fabuleuses orgues de basalte alignées verticalement, percées de grottes . Impossible de s’approcher à moins de 100 m avec le voilier il faut se contenter du spectacle à distance.
Un peu plus loin, l’île aux oiseaux offre un mouillage occasionnel, utilisable uniquement par mer très calme. Eaux claires couleur émeraude sur fond de sable blanc parsemé de touffes d’algues ou l’ancre est descendue. Des bateaux chargés de visiteurs arrivent de Tobermory ou Iona, débarquant leurs passagers par groupes de 40. D’autres voiliers arrivent avec des équipages qui grimpent sur la falaise.
Les macareux sont en nombre, cohabitant avec de petits pingouins Torda , tous occupés à nourrir leur progéniture. Ils remontent de la mer avec dans le bec plusieurs petits poissons à distribuer dans les terriers ou sont installés les nids.
Moins nombreux, des cormorans aux yeux bleus veillent aussi sur leurs petits gourmands.
Les oiseaux sont étonnamment tolérants à la présence de tout ce monde qui défile les jours de beau temps , leur confiance contribue au caractère merveilleux de cette exceptionnelle rencontre entre des animaux sauvages et les bipèdes venus les visiter avec le respect qui leur est dû.


Au bout du chemin qui coure sur les falaises, une faille dans la roche isole de grands rochers escarpés, très haut au dessus du ressac, ou nichent des milliers de guillemots et mouettes tridactyles : un régal pour les photographes malgré la lumière un peu chiche.
