22 janvier : départ ou pas départ?
Position : 64°18′ S, 62°54′ W
Emmanuel : « Hier, sur les conseils de Marcel, nous sommes donc restés au mouillage, PLEASE DO NOT START ! nous a-t-il écrit, les deux premiers jours auraient été faciles, mais nous aurions étés en sérieuse difficulté à mis parcours, et l’arrivée aurait été un enfer. De plus outre le vent de face, impraticable, nous ignorons l’état de la mer.
Nous examinons de près un départ aujourd’hui, ce matin, ce soir ou encore demain matin. »
23 janvier : on se lance dans la traversée du Drake
Position à 0230 UTC : 62°44′ S, 63°51′ W, 992 hPa, vent 12kt E, houle 1,5 m mer peu agitée.
Emmanuel : « Nous avons pris le départ à 0730 UTC le 22 janvier. Notre route est en ligne directe au 328° jusque ce soir. Puis en abordant la partie est de la dépression, nous obliquerons au prés vers l’ouest pour atteindre son centre, puis gagner les vents portants de sa partie ouest. Ce qui devrait nous amener en bonne position pour prendre samedi les vents d’ouest vers le cap Horn. »



Carte des vents et position du bateau le 23 janvier 2019 et la dépression dans laquelle ils vont rentrer demain

23 janvier : à la cape
Emmanuel : « Sur les fichiers Grib que nous avons repris ce matin, la route que nous avions prévue, en essayant de négocier le sens giratoire des gradients de pression, s’est fermée : la « storm » du haut a décidé de passer le Drake en même temps que la « storm » du bas, il en résulte pour vendredi un vent violent impraticable. Nous avons donc décidé de réduire notre allure, et de se mettre à la cape, en attendant qu’elles s’en aillent. Nous restons dans des zones de vent calme, et nous reprenons de nouveaux fichiers toutes les 12 heures. Parfois, il est préférable de patienter et prendre le temps d’attendre des jours meilleurs. » (reçu à 21:40 UTC)
24 janvier : au moteur vent debout
Emmanuel : » A 6 heures du matin heure locale (9 h UTC) Position : 61°02′ s, 65°15′ W, 978 hPa, vent 41 kt NNW, mer forte, GV 3 ris, et moteur, vent debout, vitesse 3,5 Kt. »

25 janvier : avarie moteur
position : 59°33 S, 65°05 W
Emmanuel : « Avarie moteur, grosse fumée dans le carré. Progressons sous gv 3ris et trinquette, préparons tourmentin »
26 janvier : nous naviguons en mode dégradé
Position : 58°06 S, 66°28 W,
Emmanuel : » le baromètre est remonté à 1000 hPa, il est descendu jusque 971 hier, vent 21 Kt W, GV 1 ris et trinquette, vitesse 3,6 kt, cap 245°, de façon à prendre position au delà de la longitude du cap Horn, et à laisser passer la baston en cours là-haut. Dès qu’elle est passée, nous referons route vers le cap Horn. La journée d’hier a été rude: rupture de notre dernier rotor, le moteur est inutilisable, rupture de la drisse de trinquette, partie dans le mât. Nous avons bricolé une réparation avec la drisse de spi, le tout dans une mer grosse à très grosse, spectaculaire, par 40 à 45 kt de vent. Nous naviguons en mode dégradé, comme disait Isabelle Autissier. Notre petit bateau tient bon et l’équipage aussi, ce sera plus long que prévu pour arriver à Puerto Williams. »
position à 9 heures UTC le 26 janvier représentée sur la carte windguru

ETA : Puerto Williams le 28 janvier 2019, 20:00 H
27 janvier : Louvoyer pour remonter le vent

8h locale 11 h UTC Position : 58°21′ S, 69°17′ W, 988 hPa, vent 25 kt NW, GV 2 ris et trinquette, vitesse 4,6 kt, mer forte.
Emmanuel : « Après un long bord au près tribord amure de 100 milles vers l’ouest, nous avons viré babord amure ce matin à 8h (11h UTC) au près par vent de NW 25Kn en direction du Cap Horn que nous devrions atteindre demain soir.
Lorsque nous arriverons au Cap Horn dans les eaux Chiliennes, nous préviendrons par VHF le gardien de phare de notre avarie de moteur. Bien que Fitz Roy et Darwin l’aient fait en leur temps sur le « Beagle », nous ne voyons pas encore très bien comment nous allons remonter à la voile le Canal de Beagle lors du passage étroit entre la Punta Espera et l’île Navarino où le courant atteint en permanence 3 Kn dans le sens Océan Pacifique-Océan Atlantique.
Pour remplacer la drisse de trinquette, il faut monter à la deuxième barre de flèche pour introduire un messager, c’est à dire une garcette de 2 mm lestée d’un écrou, que l’on récupère en bas à la sortie, pour ensuite entraîner la nouvelle drisse à sa place. Cette opération simple à réaliser au port est dangereuse par mer formée, nous préférons attendre les bonnes conditions. »
ETA : Puerto Williams el 30 de enero 2019 a las 20:00 Hrs
28 janvier : progression vers le nord encore

Position à 13 H UTC: 56°46′ S, 67°48′ W, 985 hPa,, vent 25 kt NW, GV haute et yankee au près bon plein, vitesse 8 kt, mer agitée.
Emmanuel : » Sommes à 8 milles du plateau continental et à 50 milles du cap Horn que pensons franchir ce soir vers 20h.
Ensuite par sécurité en raison des courants, nous passerons à l’Est des îles Deceit, et remonterons le long de l’île Wollaston, direction île Lennox. Nous passerons entre isla Nueva et Lennox, par le paso Richmond, puis entre Isla Picton et l’ile Navarino, de façon à passer devant Puerto Toro où il y a une base Chilienne et un petit ponton, qui est cependant difficile d’accès sous voiles seules. Puerto Toro est relié à Puerto Williams par 50 km de piste. Peut-être pourrions nous aller chercher nos pièces. Penses-tu qu’elles sont arrivées ? L’alternative de remonter quand même le Beagle contre courant et par vent d’ouest nous semble hasardeuse.
Nous sommes émus d’apprendre par ton SMS que Zoomax nous attend, nous ne pouvons pas les joindre, mais ils ont la BLU, peux-tu leur dire merci pour nous, le réseau Zoomax peut peut-être par hasard nous aider pour le mouillage à Puerto Toro.
Cette nuit impossible de dérouler le Yankee, la tempête a décollé l’insigna que nous avons posé sur la bande UV, et l’a enroulé plus haut autour de la voile, bien collé, à 10 mètres de haut. Au lever du jour, nous sommes montés avec un cutter pour la libérer.
Pour la petite histoire, les Argentins et Chiliens étaient au bord d’un conflit armé pour la possession des îles Lennox, Nueva et Picton de position stratégique à la sortie du Canal de Beagle. Et c’est le Vatican qui a arbitré en faveur du Chili en 1982; depuis ce temps, les trois îles sont Chiliennes. »
ETA : Puerto Williams el 30 de enero 2019 a las 20:00 Hrs

7 H UTC

Lettre à Zoomax, dont l’équipage leur a écrit des conseils et les attend à Puerto Williams : renoncer à Puerto Toro, ou il n’y a personne en basse saison de pêche, et surtout ne pas tenter de passer contre le courant entre Navarino et PictonNDLR : bon à savoir : le vent annoncé sur marine traffic est à peu près à la moitié du vent observé sur place…
29 janvier : franchissement du Cap Horn à la voile
Emmanuel : « Le bateau s’est très bien comporté dans le passage du Cap Horn au grand largue par 40 kt W rafales à 50 sous GV 3 ris et trinquette, en luttant sans cesse entre les départs au lof et les départs à l’aulofée selon les fantaisies le sens et la force des déferlantes qui, elles, étaient à la fête dans une mer forte à très forte.


Dans une telle mer, pour remonter à l’est du Horn, on préfère le virement lof pour lof que l’empannage. Un cargo Français, le Champlain, 220 m de long, bataillait au même moment pour franchir le rocher mythique dans le sens est-ouest, avec CPA (closest point of approach) à 1 mille seulement. Par VHF nous avons prévenu de notre manœuvre qui pouvait paraître bizarre.
Leur route les mènent de Bahia Blanca à Sydney, l’officier nous a questionné sur notre aventure et nous a proposé d’envoyer des messages à nos familles. Puis c’est le second, prénommé Jean, premier passage du Horn, qui nous a rappelé pour nous annoncer que son voilier, basé à Sète, s’appelle, devinez, « Valérian ». Il va suivre nos péripéties sur le blog.

Ce matin, nous remontons le Canal de Beagle au près GV haute et Yankee par 20kt W en louvoyant tantôt en Argentine, tantôt au Chili. Nous espérons arriver à Puerto Williams vers 20h (23h UTC), avec amarrage assisté par nos amis Italiens Anna et Paolo. »
à l’approche du Cap Horn

Reconstitution de la traversée des23 au 29 janvier , avec cette option d’un grand bord de 100 milles tiré vers l’ouest

11H42 UTC , « message de Anna : Tout va bien. Laureline est à 2.5 milles du YC Micalvi, ils avancent à la voile et le courant favorable. Paolo est parti avec le zodiac de l’école de voile pour les approcher et les aider si nécessaire. Anna»
positions relevées:
14h15 UTC Position envoyée par le bateau : 54°58′ S, 66°484 W, 989 hPa, vent 20 kt W, GV haute et Yankee, vitesse 5,5 kt.
16H08 UTC 54°57’03 S, 66°56’47 W, cap 178, 3,4 Kn, vent annoncé 10 Kn, W 274 15H30 UTC 54°57’37 S, 66°55’48 W, cap 343, 2,3 Kn, vent annoncé 7 Kn W 251,
20H30 UTC 54°55’37 S, 67°13’18 W, vitesse 1,5 Kn, vent 4 Kn, SW 229 message de Paolo : « Ils sont à 13 km de Puerto Williams et vers 18:30 (21H30 UTC) un navire de l’Armada va les récupérer. Tout va bien. Paolo »
photo Emmanuel : épave du Logos , qui a fait naufrage le 4 janvier 1988 dans le Canal Beagleaprès avoir heurté un rocher situé devant la pointe NW de l’île Picton

30 janvier 2019, Amarrés au Micalvi
ndlr …. comme Fitz Roy alors! à 00H14 le 30 janvier, en arrivant sur le port, la Laureline doit tirer un dernier petit bord pour mettre son étrave dans l’axe du yacht club du Micalvi, et ça repart à 5,2 Kn, cap 240. Ils franchissent la ligne d’arrivée à Puerto Williams à 00H34 UTC (1H35 heure de Paris)
2H35 UTC Emmanuel : » La nuit et la journée a permis une remontée au près en tirant des bords entre les îles puis en remontant le Beagle. Les dix derniers milles par Le Paso MacInlay entre l’île Gable et l’île Navarino était censés nous bloquer encalminés avec risque de dérive en l’absence de moteur, car les cartes nous indiquaient un courant contre à trois nœuds et la météo un vent d’ouest. Sur ce passage difficile, et ayant annoncé notre panne de moteur, un Navire de l’Armada s’est positionné en accompagnement un demi mille derrière nous près à intervenir.
Et là, dans le Paso MacInlay, le vent est soudain passé à l’Est (ça arrive une fois tous les dix ans), et en plus les cartes sont fausses, le courant de 3 nœuds était avec nous et non contre, et donc nous sommes passés. Le zodiac de l’école de voile, Jorge , Fernando et Paolo et Anna de Zoomax sont venus à notre rencontre pour nous aider à l’amarrage.
Nous sommes émus par tant de gentillesse et d’entraide, et demain nous irons remercier les autorités Chiliennes pour leur soutien. »
ndlr : je sais qu’il en est qui ont prié, et qui ont par conséquent une petite idée de l’origine de ce soudain et exceptionnel passage à l’Est du vent et du courant…30 janvier : retour au Micalvi

