7 février : l’équipe se met en place
Arnaud, Emmanuel, et Marc

Marc (à gauche) , skipper professionnel, vient d’arriver de Rio. Et là, surprise, il tombe sur son ami Doudou (à droite) avec qui il régate depuis des années

Marc fait un petit tour du moteur, des durites, du vétus , qui a été repositionné plus bas par Emmanuel moyennant un petit travail de menuiserie et semble moins susceptible de se désamorcer, et du guindeau, capricieux, comme tous les guindeaux, à prendre dans le sens du poil, sans surprise.
Le moteur de l’annexe a pris un bain d’eau de mer alors qu’une vague de 12 m avait couché le bateau dans le Drake. Le balcon arrière ou il est accroché s’est trouvé noyé pendant un instant pénible. Depuis, le petit moteur « tousse » ou crachouille. La grippe. Bon ; à examiner, sans stress ni psychodrame.
Arnaud est riche de son sac à dos, de sa bonne humeur, de son sourire éclatant, et c’est à peu près tout. Première préoccupation donc : trouver un équipement. Il y a a bord, en rab, une tenue de quart , un « babygro », des vêtements techniques, pour un homme de la taille d’Emmanuel, et ça tombe bien, c’est aussi la taille d’Arnaud.
Restait à trouver des bottes. Arnaud est parti en chercher dans Puerto Williams, sans trouver à en acheter. Avisant un chantier sur le bord de la route, il demande au chef s’il ne pourrait pas lui vendre une paire de bottes de seconde main, si l’ont peut dire. Pas question, je n’en ai pas d’occasion, j’en ai des neuves, tiens, voilà, et pas question de payer non plus. Un bel exemple encore de la générosité Chilienne! Arnaud, désormais équipé de pied en cap, fait maintenant connaissance avec la Laureline, en commençant par la cuisine ou il s’active de bon coeur!
Emmanuelreprend du poil de la bête. Et donc il renoue avec ses rêves là ou il les avait laissés, jamais très loin . Il ne peut s’engager dans les canaux de Patagonie sans adresser une pensée à Magellan, Darwin et Fitz Roy, ni sans saluer la mémoire des peuples amérindiens nomades qui ont vécu en Terre de Feu pendant 10 000 ans, et qui ont aujourd’hui disparu, exterminés ou affamés par les blancs qui ont détruit leurs ressources ou les ont contraints à une sédentarité incompatible avec leur survie.
Indiens Yagan dans le canal Beagle

La mémoire de ses peuples reste vivace dans la population actuelle du Chili ou de l’Argentine ou vivent leurs descendants aujourd’hui métissés. Des fresques les représentent souvent sur de longs murs dans les rues des villes ou villages de Patagonie .
Indiens Alakaluf, à Ushuaïa


Leur histoire est évoquée dans un livre poignant de Jean Raspail, qu’il faut lire pour comprendre l’émotion ressentie à l’évocation de leur mémoire : « Qui se souvient des Hommes » : « Ils s’appelaient eux-mêmes les Hommes. Ils étaient parvenus à cette extrémité de la terre – qui devait, bien plus tard, être nommée Terre de Feu -, au terme d’une si longue migration qu’ils en avaient perdu la mémoire. Sans cesse poussés par de nouveaux envahisseurs, ils avaient traversé un continent et des millénaires dans l’ignorance et la peur. Ils s’étaient établis là où, semblait-il, nul ne pouvait les rejoindre, tant sont cruels le ciel, la terre et la mer dans cet enfer austral…. »
6 février : Arnaud
Sur le pont du Micalvi, Arnaud, 26 ans, bateau-stoppeur, nouvel équipier de la Laureline, jusqu’à Puerto Montt, un voyage de 5 à 6 semaines.

