2018 : l’année du grand départ!
Première étape : amener le bateau à Lanzarote en aôut, et attendre le moment propice pour traverser.
Ensuite : en l’espace de 6 mois, voyage vers le Grand Sud, puis remontée dans les canaux de Patagonie, vers Puerto Montt.
1-Le « pot-au »noir »
L’objectif du voyage est de visiter l’Antarctique pendant l’été austral, ce qui signifie de couvrir la distance à la voile ou au moteur en 3 mois, le tout en traversant, entre autres, le « pot-au-noir » . C’est une zone météorologique très instable située entre le 8e et le 3e Nord, ou alternent des moments de calme plat et des grains violents.
En fin d’été dans l’hémisphère Nord, lorsque l’eau est très chaude, l’évaporation est importante et créée de très nombreux cumulonimbus qui peuvent devenir gigantesques. A leur approche le navigateur rencontre visibilité réduite, pluies diluviennes ou rafales de vent violentes, éclairs et tonnerre, voire même trombes ou feux de Saint-Elme… C’est là que naissent les dépressions tropicales qui peuvent se transformer en cyclone en se déplaçant vers l’ouest.
La grande majorité des navigateurs de la plaisance à la voile décident de traverser l’océan Atlantique à la fin du risque cyclonique dans l’Atlantique Nord, soit à partir de la 3ème semaine de novembre, conformément à diverses instructions nautiques depuis pratiquement un siècle…Le but recherché étant de se trouver à hauteur des îles du Cap Vert au bon moment pour profiter de l’alizé qui s’installe et se renforce en puissance et direction
Mais pour la Laureline, cette date est trop tardive pour être à Noël à Ushuaia ou au Nouvel An à Puerto Williams. Il lui faut donc prendre le risque de passer beaucoup plus tôt, en Octobre….
2-L’accès à l’Antarctique
Afin de préserver le continent blanc, la France a ratifié le traité de Washington et son Protocole relatif à la protection de l’environnement en Antarctique, une réserve naturelle dont l’accès est sévèrement réglementé. Toute activité en Antarctique, notamment touristique, comporte des risques élevés quant à la sécurité des personnes et à la protection de l’environnement, tenant au milieu hostile, aux conditions climatiques extrêmes, ainsi qu’à l’éloignement des côtes, et donc des centres de secours.
A Saint Pierre de La Réunion, Madame Cécile POZZO di BORGO est le préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises, ou TAAF. Elle est l’autorité nationale compétente pour recueillir, instruire les demandes et délivrer les autorisations. Le dossier de demande d’autorisation d’activité comporte une évaluation primaire d’impact sur l’environnement ou EPIE , et doit être complété et renvoyé au moins cinq mois avant la réalisation prévue de l’activité.
Le dossier de la Laureline a été déposé avec l’aide d’un juriste. En ce début octobre toutefois, l’autorisation n’est pas encore arrivée.
3-Les anges gardiens
Le Système d’identification automatique ou AIS
La position de Laureline peut être connue grâce au Système d’identification automatique (SIA) ou Automatic Identification System (AIS) en anglais : c’est un système d’échanges automatisés de messages entre navires par radio VHF qui permet aux navires et aux systèmes de surveillance de trafic (CROSS en France) de connaître l’identité, le statut, la position et la route des bateaux se situant dans la zone de navigation.
Ce système est limité par la portée du signal VHF, qui est d’environ 18 Miles pour la Laureline; il est très utile pour prévenir les collisions, notamment lorsqu’il faut franchir les dispositifs de séparation du trafic ou « rails ».
En revanche il est illusoire de le présenter comme un moyen de trouver en permanence la position du bateau quand il navigue en haute mer ou même près de côtes ou de ports qui ne sont pas équipées de récepteurs ad hoc.
Par exemple au Portugal, ou Laureline est passée cet été sans laisser d’empreinte sur Marine Traffic. Laureline sera peut être visible occasionnellement en mer, quand son signal sera relayé par d’autres bateaux dont le signal VHF est plus puissant (30 à 50 Miles). Mais elle va sans doute avoir de longs moments de solitude sur l’eau…
Donc si vous ne trouvez pas la trace du bateau, ne stressez pas, cela ne signifie pas qu’il a disparu en mer!
Emmanuel va me communiquer quotidiennement sa position GPS par le téléphone par satellite du bord, afin que je puisse la communiquer via le blog.
Le Samu de la Mer
C’est au SAMU de Toulouse qu’a été confiée, par texte réglementaire officiel, l’aide médicale en mer. Ce service est rendu depuis plus de trente ans à tout navire battant pavillon français sur l’ensemble des mers du globe. Le Centre de consultation médicale maritime (CCMM), véritable SAMU de la Mer, assure un service de consultation et d’assistance télé-médicales pour les navires en mer : près de 5000 téléconsultations en 2015, le plus souvent par satellite .
Pour préparer son éventuelle intervention, une fiche médicale lui a été transmise pour chacun des équipiers. Il peut être contacté directement depuis le bateau, ou via le Cross du Gris Nez
Le Cross Gris-Nez, épicentre mondial des bateaux français en détresse
Le CROSS Gris-Nez assure une mission de recherche et de sauvetage maritime de la frontière franco-belge au Cap d’Antifer. Il assure également une mission internationale : il est le correspondant français auprès des centres de recherche et de sauvetage étrangers. Il centralise et traite les alertes émises par les navires français naviguant sur toutes les mers du monde. Il coopère avec les MRCC (maritime rescue coordination centre), ses homologues dans le cadre du système mondial de détresse et de sécurité en mer
Le CROSS Gris-Nez connait les caractéristiques du bateau et l’identité de ses équipiers, le parcours prévu. Il sera régulièrement informé du début et de la fin de chaque navigation, dès l’arrivée aux étapes du voyage.
Il a autorité pour dérouter la Laureline pour qu’elle aide un autre bateau en détresse, ou réciproquement
Marcel Oliver
Marcel Oliver est un marin expérimenté doté d’une longue expérience de formateur de moniteurs fédéraux . Il est l’auteur du Code Vagnon de la voile et de nombreux autres livres bien connus des navigateurs, et en particulier « Comprendre, anticiper et gérer la météo », ou « La traversée transocéanique ».
C’est au cours d’un stage de survie que Emmanuel et deux autres équipiers l’ont rencontré, et qu’il a accepté d’être leur navigateur.
C’est au cours d’un stage de survie que Emmanuel et deux autres équipiers l’ont rencontré, et qu’il a accepté d’être leur navigateur.
Il va communiquer quotidiennement avec Emmanuel pendant le voyage , pour l’aider à prendre la décision de la date de départ de la traversée et de la route à suivre.
Les prévisions saisonnières trimestrielles de Météo France semblent favorables à la traversée précoce. L’Océan Pacifique se réchauffe lentement le long de l’équateur, comme l’indique la figure ci-dessous.
La zone orange au centre du Pacifique, le long de l’équateur, indique des anomalies de l’ordre de +1°C. C’est un marqueur d’un phénomène El Niño de faible intensité en cours de développement, élément essentiel à l’échelle du globe pour la prévision saisonnière à échéances lointaines.
D’après Météo France toujours, « sur l’Atlantique tropical, entre les côtes de l’Afrique Occidentale et les Caraïbes, la persistance de températures de l’océan inférieures aux normales devrait limiter les précipitations sur les Antilles« .
Marcel Oliver dispose de cartes des vents précises et fera de son mieux pour les guider entre les écueils météorologiques qui ne manqueront pas de se présenter sur leur parcours. Une expérience et une aide inestimables!
Ainsi il est probable que la meilleure route ne passe pas par les îles du Cap Vert, ou les vents semblent plus violents qu’un peu plus à l’écart des côtes de la Mauritanie.
The Ocean Cruising Club
Administré depuis l’Angleterre ce club d’entraide entre navigateurs possède des correspondants dans 150 ports distribués de part le monde, dont les Canaries, Jacaré, Sao Paulo, Ushuaia….. Informés par le système AIS du déplacement de leur « flotte », ils peuvent être contactés pour faciliter l’assistance entre membres du club, dont Emmanuel et moi faisons partie.
A distance, nous allons faire de notre mieux pour suivre la bateau et son équipage, et transmettre toute information via le blog
Le père Noël avant l’heure
Emmanuel pleurait depuis des mois et des mois pour obtenir certaines pièces de rechange… ça y est ! la lampe du portique est enfin arrivée par voie postale ! Un grand merci à Damien!
Un équipier rêvait de se servir de la nouvelle pince à sertir.
Et youpi ça fonctionne !
4-Surveiller la météo
Météo France Antilles-Guyane s’intéresse à Leslie, devenue tempête tropicale le 30 septembre dans le centre Atlantique entre les Bermudes et les Açores ; Leslie est devenue ouragan de catégorie I le 3 octobre en se déplaçant vers le Sud Ouest. Le 3 octobre, elle est à 30N 57W, à environ 1600 Km au Nord de l’Arc Antillais qui devrait recevoir de bonnes pluies. Leslie génère des vents de 70 noeuds avec rafales à 85 et se déplace lentement vers le Nord. (voir les schémas, produits par Météo France)
Selon une projection publiée le 4 octobre, sa trajectoire va ensuite s’infléchir vers l’Est tandis qu’elle devrait se voir rétrogradée en tempête tropicale le 7 octobre. Que va t’elle devenir après? A l’approche de la date du départ, Marcel Oliver et les équipiers de la Laureline la surveillent comme le lait sur le feu.
Le 5 octobre, Météo France met à jour son image satellite, ou on voit bien l’ampleur de la perturbation qui accompagne Leslie, et son glissement vers l’Est, plus rapide que prévu la veille…
Marcel Oliver pense que Leslie et son panache de nuages vont passer à 300 ou 400 miles à l’Ouest des Canaries, désorganisant le champ de vents déjà perturbés, entraînant une dépression relative, une grosse houle et des vents orientés au SW, qu’il faudra remonter avant d’embrayer sur les alizés… à suivre jusqu’au jour du départ
Dimanche 7 octobre, il espère y voir un peu plus clair, avec une fiabilité de 80%….
5- Petite toilette avant le départ
Les Îles Canaries sont à la portée des vents venus du Sahara, chargés de sables et de poussières. En août, avant de quitter le bateau, les winchs avaient été emmaillotés dans des housses composées d’une double épaisseur de plastique soigneusement scotchés pour préserver leurs mécanismes délicats, et toutes les manœuvres courantes avaient été démontées et rangées, y compris la drisse de grand voile, planquée dans le mat. Il faut maintenant tout nettoyer et remettre en ordre la garde robe de la Laureline!
Le sable s’est infiltré partout, dans tous les recoins, sur le radeau de survie et les panneaux solaires, qui doivent marcher un peu moins bien. Ils alimentent le frigo, ce n’est pas le moment de faiblir!
Les panneaux solaires, s’ils sont bien propres, sont sensés produire 7 Ampères par heure soit 100 watts, en mesure d’alimenter le réfrigérateur, fermé, et l’ordinateur, ouvert, mais pas plus. Le reste est fourni par l’éolienne qui produit 10 Ampères heure par 20 nœuds de vent et 30 Ampères par heure lorsque le vent souffle à 30 nœuds.
Tous les métaux ont souffert du séjour de 6 semaines, un coup de chiffon et de pâte à polir est bienvenu.
Rouille sur les chromés à la suite de pluies rendues acide par l’acide phosphorique en provenance des mines de phosphate du Maroc. Ça part bien la pâte P5 utilisée en carrosserie automobile.
Sur l’établi démontable installé au centre du carré, Daniel taraude un filetage de 4mm pour réparer le loquet de fermeture d’un coffre de la plage arrière qui doit rester impérativement hermétique en traversée.
6- L’avitaillement
Une affaire sérieuse sur la Laureline
De quoi prévenir le scorbut, des couleurs, et des carottes, ça rend aimable.